LA POLITIQUE GÉNÉRALE ET LA PLANIFICATION

 

 

I - LA POLITIQUE GÉNÉRALE : DÉFINITION ET CONTENU DU CONCEPT

    1.1 Définition 

· D'après le dictionnaire, la politique, politikos en grec, est l'art et la pratique de gouverner la cité chez les grecs.

· La politique générale d'une entreprise est défini par les dirigeants de l'entreprise et elle traduit les intentions durables de l'entreprise concernant la nature de son activité, de son métier de base, et concernant également la nature des relations de l'entreprise avec les principaux acteurs internes (personnels et leurs représentants) et externes (fournisseurs, clients, actionnaires, concurrents…).

· La politique générale de l'entreprise est un ensemble de principes, de normes, de comportement, qui sont émis par les détenteurs du pouvoir et qui s'impose à tous les opérateurs de l'entreprise. La politique générale oriente les décisions prises dans l'entreprise dans le domaine stratégique.

    1.2 Contenu du concept

· La politique générale comporte entre autre 2 éléments principaux :

-         la définition de l'organisation de l'entreprise au travers la mise en place de la structure de l'entreprise et au travers la mise en œuvre d'un mode de direction ;

-         la recherche de la maîtrise de l'avenir de l'entreprise ; notamment par la mise en œuvre d'une démarche planificatrice grâce à la méthode des scénario et grâce au contrôle interne.

 

II - LA PLANIFICATION

    2.1 Nature et évolution de la planification

            A - Nature de la planification

· Planifier, c'est diriger, organiser l'entreprise selon un ensemble de dispositions adoptées en vue de la réalisation d'un projet.

ACKOFF a énoncé : " planifier, c'est concevoir un futur désiré et les moyens d'y parvenir ".

· Peter DRUCKER a définit la planification en 2 temps, ce qu'elle n'est pas, et ce qu'elle est :

-         La planification n'est pas seulement la prévision. Elle n'élimine pas le risque. Elle ne conduit pas à décider pour le futur, elle ne conduit pas à prendre aujourd'hui des décisions applicables pour l'avenir.

Elle consiste à prendre aujourd'hui des décisions immédiatement applicables mais qui par leur nature engage durablement l'entreprise. A chaque période ultérieure, il faudra prendre les décisions appropriées pour réaliser les objectifs de l'entreprise et plus globalement le projet de l'entreprise.

La planification n'a pas pour but prioritaire l'élaboration d'un plan. Le résultat de l'action est moins important que l'action de planification elle-même. L'action de planification oblige à analyser la situation de l'entreprise.

-         La planification est instrument d'action. Elle donne à l'entreprise le moyen d'agir sur sa situation future. Elle est un instrument de cohérence, elle permet de réaliser les différents ajustements et la cohérence des ressources mises en œuvre par l'entreprise. Elle est un instrument de motivation.

· La planification ne va pas de soi. Il n'est pas évident de trouver du temps pour élaborer un plan sur plusieurs années. Quel est l'intérêt d'un cadre de planifier sur 4-5 ans s'il ne reste pas dans l'entreprise ?

Bouygues a mis en place des groupes d'experts (un panel de spécialistes). Ces groupes d'experts travaillent sur des horizons lointains de façon prospective.

Généralement, les entreprises s'appliquent d'avantage à faire du court terme de " qualité " ; il n'est pas forcément évident de réfléchir sur du long terme.

            B - Évolution de la planification

· Il est possible de visionner 3 grandes périodes :

. 1945-1965 : C'est la période de reconstruction économique ; l'économie redémarre sur de bonnes bases avec de forts investissements. Les méthodes de planification étaient assez rudimentaires ; la planification était dite opérationnelle. Les prévisions se faisaient sur du court terme, sur 1, 2 ou 3 ans maximum. La planification restait simple, voir limitée. Il était rare de chercher à changer d'activité ou de développer une activité innovatrice.

. 1965-1975 : C'est l'époque de forte croissance économique. Il y a un développement de la concurrence internationale. C'est l'époque de la planification stratégique, sur 5 à 7 ans.

. 1975-2000 : C'est la période de récession ; on a parlé de crise économique. L'évolution de la technologie et la concurrence internationale se sont fortement développés. 2 méthodes de travail ont fait leur apparition : la méthode des scénarios et la mise en place de système de veille.

· La planification stratégique est la première phase de la procédure de la planification. Elle consiste à fixer un ensemble d'objectifs cohérents de développement dans les divers domaines d'activité de l'entreprise à l'aide d'outils d'anticipation de l'avenir.

Les objectifs stratégiques sont l'expression concrète, datée, des buts généraux et de la finalité de l'entreprise.

· La planification opérationnelle est la définition des moyens à mettre en œuvre dans un cadre pluriannuel pour atteindre les objectifs stratégiques.

Le plan d'investissement et le plan de financement sont 2 aspects essentiels de la planification opérationnelle.

Les plans opérationnels répartissent les objectifs et les moyens dans le temps et par fonction.

    2.2 Le processus de planification

· THIETART, professeur à Dauphine, décrit le processus de planification de l'entreprise en plusieurs étapes :

 1 - Formulation de la mission de l'entreprise.

 2 - Définition des domaines d'activités stratégiques (DAS), des couples marchés-produits.

 3 - Choix du portefeuille d'activités.

 4 - Détermination des objectifs quantitatif et qualitatif.

 5 - Analyse de l'environnement.

 6 - Évaluation des ressources.

 7 - Étude de l'écart de planification.

 8 - Formulation de la stratégie de la politique.

 9 - Évaluation de la stratégie et des politiques.

10 - Élaboration des programmes, plans, budgets.

A - Fixation de l'écart stratégique (ou "gap" stratégique)

L'écart stratégique est la différence entre la prévision et l'objectif. L'écart stratégique n'est pas forcément fixer de façon définitive ; des corrections sont parfois nécessaires. La planification reste souple.

            B - Les objectifs généraux, fondamentaux

                        1 - Définitions

Définitions de CAPET

· Vocation de l'entreprise : c'est le rôle que les dirigeants entendent faire jouer à l'entreprise pour répondre aux besoins de l'environnement et à ses aspirations.

· Buts de l'entreprise : ce sont les préférences qui sous-tendent l'action. Les buts sont généralement latents, ils ne sont pas forcément exprimés. Ils ne deviennent explicites que lorsqu'une crise surgit.

Ex. : la volonté de garder le contrôle d'une entreprise ne se manifeste qu'au moment où la coalition dirigeante risque de se trouver en minorité (Boloré et Bouygues en 1998).

Définitions de SALLENAVE

· Finalité, mission : c'est ce qui correspond au concept du pourquoi de l'entreprise. Il faut s'intéresser aux missions de SOLVAY.

· Buts de l'entreprise : ils ne dépendent pas de la volonté des dirigeants mais ils résultent de 3 contraintes : la pérennité, la croissance, le profit.

· Objectif : c'est l'expression concrète des buts fixés par les dirigeants. Ex. : si le but est de réaliser le profit maximum, les objectifs seront exprimés en terme de taux de rentabilité.

Définitions de MEYER

· Vocation de l'entreprise : c'est définir les aptitudes de l'entreprise pour effectuer certains types d'activité. C'est définir le ou les métiers qu'elle est plus particulièrement apte à exercer.

· Métier : c'est une des activités principales de l'entreprise. Il désigne également les savoir-faire de l'entreprise (technologiques, commerciaux, administratifs…).

                        2 - La diversité des objectifs

· Les objectifs économiques sont généralement quantifiables, par contre, les objectifs non économiques sont rarement quantifiables.

· La rentabilité est le rapport entre un revenu et le capital engagé pour l'obtenir.

La rentabilité économique est le rapport entre un revenu, au cours d'une période donnée, et le capital physique mis en œuvre pour l'obtenir ; le taux de rentabilité, synonyme pour certains auteurs de taux de profit, est mesuré par le rapport du profit à la valeur du stock d'actifs physiques engagés dans la production.

La rentabilité financière est le rapport entre le profit après paiement des intérêts et des impôts et les capitaux propres de l'entreprise ; c'est la rentabilité du point de vue de l'actionnaire.

· La flexibilité est l'ajustement rapide des quantités, des prix et des qualités aux variables du volume et de la structure de l'offre et de la demande sur les marchés.

La production est flexible quand elle s'adapte aux variations quantitatives et qualitatives de la demande, ce qui nécessite des équipements polyvalents, une programmation des machines-outils liée à une interchangeabilité des outils…

· Généralement, les aspirations individuelles des dirigeants passent après les préoccupations sociales de l'entreprise.

Les aspirations individuelles des dirigeants s'apparentent à une recherche de prestige, de sécurité, d'autonomie. La puissance et le prestige sont une motivation importante. La sécurité est une aspiration commune à tous les individus. La recherche de l'autonomie peut avoir des effets pervers par rapport à une équipe dirigeante faisant ombrage au dirigeant.

Les préoccupations sociales prennent de plus en plus de poids, notamment dans les grandes entreprises. Certaines entreprises ont créé des fondations d'entreprises dans le cadre de leurs préoccupations sociales.

            C - La fixation des objectifs

· Il est possible de faire 2 types d'analyse :

-         Certains pensent que les objectifs résultent d'un processus d'analyse et de décisions rationnelles,

-         D'autres soutiennent que les objectifs résultent d'une lutte d'influence entre différents groupes dans l'entreprise et que de ce fait ils ne sont pas toujours rationnel.

En réalité, la fixation des objectifs est un compromis entre ces 2 types d'analyse.

· Analyse de MINTZBERG

Il a montré que la fixation des objectifs était soumise à 2 types principaux d'influence :

. Les influences externes : elles peuvent provenir de 4 types d'acteur : les propriétaires de l'entreprise, les partenaires de l'entreprise (clients, fournisseurs…), les syndicats, le public (organisation de consommateur, Etat…).

Mintzberg identifie 3 types de coalition externe ; il s'agit d'une distinction en fonction du degré de cohésion de ces différents acteurs :

-         Coalition dominée : c'est celle dans laquelle un individu ou un groupe détient la majorité du pouvoir.

-         Coalition divisée : c'est celle dans laquelle plusieurs individus ou plusieurs groupes ayant des objectifs différents sont en concurrence les uns avec les autres (ex. : prise de participation chez Pathé de Canal + et TF1).

-         Coalition passive : c'est celle qui correspond à un grand nombre d'acteurs qui ne peuvent pas exercer un pouvoir efficace et fort.


. Les influences internes : elles concernent 3 types de contrôle : le contrôle personnel contenu par la direction, le contrôle bureaucratique (mise en place d'une procédure), le contrôle politique interne lié à l'influence exercée par un groupe au travers d'un réseau de relations (ex. : le Crédit Lyonnais).

Les influences internes regroupent aussi 5 types de coalition interne :

-         La coalition autocratique à travers laquelle le coordinateur au sommet joue un rôle essentiel (charisme personnel du dirigeant).

-         La coalition bureaucratique à travers laquelle le dirigeant anime mais anime avec une structure administrative forte.

-         La coalition méritocratique à travers laquelle se sont les compétences professionnelles qui vont primer.

-         La coalition idéologique à travers laquelle tous les acteurs partagent une même idéologie.

-         La coalition politisée à travers laquelle le contrôle politique pèse de tout son poids.

A partir de là, Mintzberg a différencié 6 structures de pouvoir. 

            D - Qualités des objectifs stratégiques

Il est possible de répertorier 8 qualités des objectifs stratégiques :

1.      Ils doivent être peu nombreux,

2.      Ils doivent être simples (compréhensibles par l'essentiel des acteurs),

3.      Ils doivent être réalisables (accessibilité des objectifs),

4.      Ils doivent être justifiés (pour obtenir l'adhésion du personnel),

5.      Ils doivent être acceptés (pour provoquer la motivation),

6.      Ils doivent être synthétiques (applicables dans toutes les entreprises),

7.      Ils doivent être décomposables en sous objectifs,

8.      Ils doivent être quantifiés ( possibilité de mesurer leur réalisation).

 

III - LA MÉTHODE DES SCÉNARIOS

Durant ces dernières années, l'accroissement de l'incertitude dans les prévisions a conduit à mettre en place la méthode des scénarios.

Les incertitudes de l'entreprise relèvent de différentes causes :

-         la persistance de la crise économique,

-         la mondialisation de l'économie,

-         la libéralisation des échanges,

-         la déréglementation de certains secteurs,

-         l'évolution technologique très forte,

-         la modification des modes de vie.

    3.1 Processus de construction des scénarios sectoriels

Porter a cherché à mettre en place une vision cohérente de la structure future d'un secteur, le scénario sur un ensemble d'hypothèses plausibles quant aux incertitudes les plus importantes pour l'avenir du secteur, et il va jusqu'aux implications qu'elles peuvent avoir sur l'acquisition et le maintient d'un avantage concurrentiel.

La notion de scénario repose sur la notion de secteur ; on parle de scénario pour un domaine d'activité stratégique (DAS).

            A - Phase 1 : identification des incertitudes

· Il faut prendre en compte certains éléments :

-         les changements à long terme de la demande (démographie, évolution de la nature des besoins…),

-         les changements dans la situation concurrentielle de l'entreprise,

-         les nouveaux entrants et sortants du secteur,

-         les changements dans les secteurs voisins,

-         les changements dans le domaine technologique,

-         les changements dans la politique gouvernementale (protection de l'environnement, du consommateur…).

· Il est possible d'identifier 2 types de variables d'incertitudes :

-         Incertitudes indépendantes, ou déterminantes : ce sont celles dont l'évolution est exogène ; elles prennent leur source à l'extérieur du domaine étudié.

-         Incertitudes dépendantes : ce sont celles qui sont déterminées par les variables indépendantes.

Les scénarios reposent sur les incertitudes indépendantes, appelées variables de scénario, et sur la détermination des relations entre les variables indépendantes et les variables dépendantes.

            B - Phase 2 : détermination des facteurs d'influence des incertitudes ( des variables de scénario)

· Il s'agit de la phase la plus longue et la plus délicate. Les facteurs d'influence peuvent être nombreux et difficiles à identifier et à mesurer. Il existe un risque d'erreur permanent et un risque d'omission.

· La recherche de ses facteurs d'influence doit être déterminée sur une longue période. Les facteurs d'influence peuvent changer dans le temps.

            C - Phase 3 : construction d'un ensemble de scénario

Le scénario est construit à partir de chaque variable indépendante qui fait l'objet d'un ensemble d'hypothèses possibles déduites des facteurs d'influences. Il y a un risque de prolifération des scénarios. Pour contrer cette prolifération, il existe notamment 2 possibilités :

Première possibilité : réduction du nombre de variables de scénario en écartant les moins importantes par rapport à l'évolution sectorielle.

Deuxième possibilité : réduction du nombre des hypothèses examinées en retenant les hypothèses qui ont la plus forte probabilité de réalisation.

            D - Phase 4 : analyse des scénarios

· Premier objectif : déterminer la future structure du secteur et s'efforcer d'évaluer la rentabilité du secteur et les éléments sur lesquels se fonderont l'avantage concurrentiel.

· Deuxième objectif : déterminer la nature de l'incertitude la plus forte (technologie, pouvoir financier…), estimer la durée de cette incertitude et son action sur les concurrents.

    3.2 Place des scénarios

· Cette méthode a un aspect incertain, imprécis, voir inquiétant pour ceux qui la mettent en œuvre. La rentabilité est rarement immédiate et les frais peuvent être assez lourds.

· Avantages de cette méthode :

-         elle intègre l'incertitude dans la planification,

-         elle essaye d'identifier les effets probables de l'incertitude sur la concurrence,

-         elle oblige la direction à réfléchir de façon prospective sur l'avenir,

-         elle introduit la créativité dans la planification stratégique.

· Conditions pour que cette démarche soit efficace :

1.      disposer de bonnes bases de données,

2.      ne pas systématiser les scénarios,

3.      ils ne suffisent pas pour élaborer une stratégie.

 

IV - LE CONTRÔLE

    4.1 L'objet du contrôle

Le contrôle a plusieurs missions :

1-     Mesurer les résultats et les confronter aux prévisions qui ont été faites.

2-     Rôle de communication, essentiellement interne.

3-     Le contrôle doit être un facteur de motivation.

Le contrôle devient de plus en plus indispensable, on va aller vers plus de contrôle.

    4.2 La mise en oeuvre du contrôle

Le contrôle entraîne une périodicité des modifications, une périodicité de la révision :

-         18 mois pour les objectifs stratégiques,

-         12 mois pour les programmes et les plans,

-         de mois en mois pour les budgets.

    4.3 Les techniques de contrôle

            A - Le contrôle a posteriori

Il s'agit de confronter les résultats aux objectifs qui étaient fixés. Ce contrôle doit conduire à établir des plans de glissants, de revolving.

Le revolving consiste à fixer une durée maximum pour les prévisions, puis de faire glisser les prévisions d'année en année.

Le contrôle à posteriori conduit à faire de l'à priori.

            B - Le contrôle a priori

Il est possible de distinguer 2 formes de contrôle à priori :

                        1 - Le contrôle à priori statique

C'est un contrôle des méthodes qui va porter essentiellement sue les méthodes d'élaboration des plans, des programmes, des budgets, voir de la stratégie.

On s'attache à vérifier si la démarche planificatrice de l'entreprise est cohérente. Il faut se prémunir contre les oublis et les incohérences.

                        2 - Le contrôle à priori dynamique

C'est un contrôle qui consiste à examiner les conséquences des actions engagées afin de prendre des actions correctives avant même l'achèvement de ses opérations. Il faut être capable d'anticiper.

Cette forme de contrôle suppose pour les dirigeants un certain nombre de compétences :

-         capacité d'anticipation de l'évolution de l'environnement (ex. : BIC dans l'éphémère),

-         capacité d'appréciation des effets de cette évolution sur la marge de l'entreprise,

-         capacité de modification des stratégies et des tactiques pour essayer d'atteindre le futur envisagé.