LA PRÉVENTION PAR L'ALERTE

 

I - LE DEVOIR D'ALERTE DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

            A - Le domaine de l’alerte

                        1. Les entreprises concernées

La procédure d’alerte concerne toutes les entreprises qui ont l’obligation de désigner un CAC. Les entreprises publiques ou privées sont visées, les sociétés ou les GIE. Les SNC, SARL et GIE ayant désigné un CAC, de manière volontaire, entrent également dans le champ d’application de la loi.

                        2. Les faits donnant lieu à l’alerte

Le CAC à l’obligation de déclencher la procédure dans les sociétés commerciales lorsqu’il relève, à l’occasion de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (art 230-1 L 66) ; en pratique, lorsqu’il existe un ensemble de faits convergents et significatifs. Les faits doivent être de nature à provoquer une cessation de paiement si les dirigeants ne prennent aucune mesure pour redresser la situation. L’alerte doit être donnée dès qu’il y a rupture des flux financiers. Elle doit être déclenchée dans le cas où la perte de confiance de tiers fait prendre des risques à la société (perte d’un client important, perte d’un procès). Le CAC doit avoir constaté les faits en cause dans l’exercice strict de sa mission, le devoir d’alerte n’entame pas l’interdiction faite au CAC de s’immiscer dans la gestion. Les faits ne doivent pas avoir donné lieu à une réaction appropriée des dirigeants, l’alerte intervenant pour stimuler leur diligence.

            B - Les étapes de la procédure

- Demande d'explication au Président du conseil d'administration (phase confidentielle) ; réponse des dirigeants par LRAR dans les 15j

- Délibération du CA ou du CS (obligation de discrétion) ; obligation pour le CAC d'informer le présient du Tribunal de Commerce (PTC)

- Rapport spécial du CAC, destiné à informer les actionnaires ; communication des difficultés au CE

            C - Les sanctions

                        1. A l’encontre du CAC

Il engage sa responsabilité civile sur la base d’une obligation de moyen. Ceux qui agissent en responsabilité contre lui devront faire la preuve de la faute, du préjudice et du lien de causalité entre la faute commise et le préjudice. En revanche, le CAC qui déclenche l’alerte bénéficie d’une immunité prévue par la loi (sauf volonté de nuire).

                        2. A l’encontre des dirigeants

Les dirigeants engagent leur responsabilité civile dans les conditions de droit commun. Ils peuvent engager leur responsabilité pénale s’ils font sciemment obstacle aux vérifications opérées par le CAC (art 458 L 66).

II - LE DROIT D'ALERTE DU COMITE D'ENTREPRISE

Il s’exerce dans les entreprises ayant au moins 50 salariés. S’il n’a pu être constitué de CE, le droit appartient aux délégués du personnel qui l’exercent à titre supplétif.

            A - Les faits déclencheurs

Le comité d’entreprise peut agir lorsqu’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Le CE peut avoir connaissance de ces faits par différents canaux d’information : la consultation d’un expert-comptable, la convocation du CAC, l’analyse des documents prévisionnels, l’assistance aux séances du CA, le recours à l’expertise de gestion dans le cadre fixé par la loi de 1966.

            B - Le mécanisme de l’alerte

 

III - LE DROIT D'ALERTE DES ASSOCIES

            A - Les titulaires du droit d’alerte

Les associés de la SARL et les actionnaires de la SA ont, depuis la loi du 1er mars 1984, la possibilité d’alerter les dirigeants sur tous faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Ce droit est aussi reconnu aux actionnaires des sociétés en commandite par actions. Dans les SA, le droit est exercé par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 1/10 du capital social. Dans les SARL, aucun seuil n’est requis, mais le droit n’appartient qu’aux associés non gérants. Il n’est pas prévu de procédure d’alerte par les associés dans les autres sociétés.

            B - Les modalités d'alerte

Les associés ou actionnaires peuvent poser, deux fois par exercice, des questions écrites aux dirigeants. Ces derniers ont l’obligation de répondre par écrit dans le délai d’un mois. La réponse est communiquée au CAC.

IV - LE DROIT D'ALERTE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE

Il a été renforcé par la loi du 10 juin 1994.

            A - Le domaine de l’alerte par le président du tribunal

Le droit d’alerte s’exerce désormais à l’égard de toutes les sociétés commerciales et GIE ainsi que toute entreprise individuelle ou artisanale. L’alerte peut être exercer quand il apparaît que l’entreprise ou la personne morale connaît des difficulté de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La connaissance de la situation de l’entreprise par le président peut résulter de la consultation de tout acte ou document. Le dispositif en place depuis la loi de 1994 montre toute sa cohérence, le président étant tenu au courant de l’alerte exercée par le CAC.

            B - Les modalités de l’alerte

Le président peut décider de convoquer les dirigeants de l’entreprise afin de leur demander de prendre des mesures pour redresser la situation. Les dirigeants ne sont pas tenus de répondre à la convocation. Ils ne s’exposent à aucune sanction. Cependant, si la situation de l’entreprise se dégrade au point d’être en état de cessation de paiement, leur responsabilité pourra alors être mise en cause. Le président peut à l’issue de l’entretien avec le chef d’entreprise, obtenir communication de renseignements de nature à lui donner une information précise de la situation de l’entreprise. Il peut s’adresser au CAC, aux représentants du personnel, aux administrations publiques, aux organismes de Sécurité sociale et à la Banque de France. Le président peut désigner un mandataire « ad hoc » dont la mission sera de conseiller l’entreprise.

V - L'ALERTE DÉCLENCHÉE PAR LES GROUPEMENTS DE PRÉVENTION AGRÉES (GPA)

Quand l’entreprise a adhéré à un GPA, qui a pour mission de fournir à ses membres des analyses sur les données comptables et financières, il est possible que le GPA relève des faits de nature à entraîner des difficultés. Le déclenchement de l’alerte n’est pas obligatoire pour le GPA.

VI - LES GROUPEMENTS DE PRÉVENTION AGRÉES

Créés par la loi du 01/03/84 (et décret du 27/08/85), ils ont pour mission de donner aux entreprises (surtout les petits) les moyens d’accès à des informations et un diagnostic, afin de leur permettre de prévenir leurs difficultés.

                        1. Les entreprises visées

Se sont essentiellement les PME, bien qu’aucune limite de taille n’existe dans la loi. Seules les personnes morales peuvent y adhérer (et non les entreprises individuelles) : les sociétés commerciales (y compris les EURL), les GIE, les personnes de droit privé (associations, sociétés civiles et fondations).

                        2. Le fonctionnement des GPA

Les GPA sont titulaires d’un agrément délivré par l’Etat (préfet de région). Ils doivent prendre l’engagement :

         - d’exiger le respect du secret professionnel de la part de ses collaborateurs,

         - de souscrire un contrat d’assurance garantissant sa responsabilité civile,

         - de ne faire aucune publicité,

         - d’indiquer que le GPA est titulaire d’un agrément dans tous les documents qu’il émet,

         - de notifier au préfet toutes modifications apportées à ses statuts ou à ses dirigeants,

         - d’informer ses adhérents du retrait de l’agrément.

Le préfet dispose d’un délai de trois mois pour accorder ou refuser l’agrément (le défaut de réponse vaut agrément). La durée de l’agrément est fixée à trois ans maximum, éventuellement renouvelable, dans les mêmes conditions que la demande initiale.

                        3. Les missions et les moyens du GPA

Les missions

Analyser la situation économique et financière de l’entreprise adhérente, alerter le chef d’entreprise si les indices laissent présumer des difficultés prévisibles, proposer l’intervention d’un expert chargé de faire le diagnostic sur les difficultés.

Les moyens

Accès au service de la Banque de France, afin d’obtenir un avis en fonction des éléments possédés par le GPA sur les entreprises adhérentes ; les administrations prêtent leur concours sur décision du préfet de région ; conclusions de conventions avec les établissements de crédit et les entreprises d’assurance afin d’améliorer l’information ou de créer des contacts spécifiques en matière d’assurance à des conditions préférentielles réservées aux adhérents.

                        4. Les mesurent fiscales et financières

Les entreprises adhérentes bénéficient d’un crédit d’impôt de 25 % des dépenses engagées durant les deux premières années d’adhésion, limitées à 10 000 F par an. Les GPA peuvent bénéficier de subventions (lorsqu’ils sont constitués sous forme d’association). Leur financement est aussi assuré par les cotisations des adhérents.