LES RÈGLES COMMUNES DE DISSOLUTION
La
dissolution marque le terme de l’existence sociale. Les liens qui unissaient
les associés se dénouent et la personnalité morale s’éteint : le
patrimoine social n’a alors plus de titulaire, il faut le liquider.
I
- LES CAUSES DE DISSOLUTION
A - Les causes de dissolution de plein droit
* La survenance du terme : selon l’article 1844-6 du Code civile, un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent statuer sur la prorogation de la société. En l’absence de décision sur ce point, la société est dissoute de plein droit. Si elle continue à fonctionner, elle le fera en qualité de société devenue de fait.
* La réalisation ou l’extinction de l’objet social : toute société se crée dans le but d’exploiter une certaine activité : la réalisation de cet objet provoque la dissolution automatique de la société. La cessation d’activité ne devient, quand à elle, une cause de dissolution de plein droit qu’après l’expiration d’un délai de 3 ans à compter de l’inscription modificative au RCS signalant la « mise en sommeil » de la société.
* L’annulation de la société : bien que très rare, l’annulation de la société qui n’est pas rétroactive, provoque la dissolution de la société.
* L’existence d’une disposition statutaire : les statuts peuvent prévoir que la société doit être dissoute « pour toute autre cause prévue par les statuts » comme l’autorise l’article 1844-7 alinéa 8 du Code civil.
* La liquidation judiciaire : le jugement de liquidation judiciaire prononcée à l’encontre de la société en cessation de paiement et qui fait l’objet d’une procédure collective entraîne automatiquement la dissolution de la société.
*
La réunion de toutes les parts ou actions entre les mains d’un seul associé
: ne provoque plus la dissolution automatique de la société. Il y a un délai
d’un an pour régulariser la situation. La dissolution entraîne la
transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique,
il n’y a pas lieu de procéder à une liquidation. Cependant, afin d’éviter
que l’intérêt des créanciers ne soit lésé, ces derniers ont un droit
d’opposition à la dissolution qu’ils doivent exercer dans un délai de 30
jours à compter de la publication de la dissolution devant le tribunal de
commerce.
B - Cause de dissolution volontaire
C’est
la dissolution volontaire anticipée : elle peut être décidée par la
collectivité des associés à tout moment suivant les modalités imposées par
la loi ou prévues dans les statuts.
C - Dissolution judiciaire
Elle est prononcée par le tribunal à la demande de tout associé lorsque le juge retient de justes motifs. L’article 1844-7 alinéa 5 du Code civil évoque à cet égard, l’inexécution de ses obligations par un associé et la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
II
- LA PUBLICITÉ DE LA DISSOLUTION
Les tiers doivent être informés de la dissolution de la société. En effet, les pouvoirs des organes de direction cessent. Les dirigeants vont être remplacés par un ou plusieurs liquidateurs et la personnalité morale ne survivra que pendant et pour les besoins de la liquidation. Les formalités sont les suivantes : insertion dans un JAL, dépôt au greffe du tribunal de commerce dans le délai d’un mois, insertion au BODACC à la diligence du greffier. La publicité est également opérée par la mention, sur tous les actes et documents sociaux à la suite de la dénomination sociale, de la formule « société en liquidation ».
III
- LES EFFETS DE LA DISSOLUTION
Dès
l’instant où elle a été prononcée, la dissolution provoque l’ouverture
immédiate de la liquidation du patrimoine social demeurée en principe sans
titulaire ; celle-ci, après clôture, donne lieu au partage de la société.
A - La liquidation
La
liquidation se définit comme l’ensemble des opérations qui, après
dissolution de la société, ont pour objet la réalisation des éléments
d’actifs et le paiement des créanciers sociaux en vue de procéder au partage
entre les associés de l’actif net subsistant. Les règles relatives à la
liquidation sont édictées par l’article 1844-8 du Code civil, par les
articles 390 et 418 de la loi de 1966 et 266 à 280 du décret de 1967.
Règles impératives de liquidation d’une société commerciale Art. 391 à 401 L. 66 |
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Liquidation amiable Art. 390 L. 66 |
Liquidation légale Art. 402 à 418 L. 66 |
1. Condition juridique de la société en liquidation
a - Maintien de la personnalité morale
Selon l’article 391 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966 :
- la société continue à être désignée par sa dénomination sociale suivie de la mention « société en liquidation ».
- la société conserve son siège social, mais peut choisir un siège différent (siège de la liquidation).
- la société continue à bénéficier de la capacité juridique, elle peut ainsi ester en justice par l’intermédiaire de son liquidateur.
-
la société demeure titulaire d’un patrimoine social qui reste le gage des
seuls créanciers sociaux.
b - Disparition de la personnalité morale
La personnalité morale de la société disparaît en principe à la clôture de la liquidation, c’est-à-dire du jour où celle-ci est constatée soit par l’assemblée générale des associés appelée à statuer sur le compte définitif de la liquidation, soit par décision de justice.
Les créanciers sociaux impayés disposent :
- d’un premier recours, en vertu de l’article 401 de la loi de 1966 contre les anciens associés pour les sommes qu’ils ont tirées de la liquidation avec une prescription de 5 ans à compter de la publication de la dissolution de la société au RCS ;
- d’un second recours, en vertu de la jurisprudence, contre la société elle-même, s’il reste des biens à partager. Il faut réactiver la personnalité morale pour que le recours soit possible. C’est l’objet de la nomination en justice d’un mandataire ad hoc de la société que le créancier pourra assigner ;
- d’un troisième recours dirigé contre le liquidateur qui aurait commis une faute. Ceux-ci peuvent agir en responsabilité civile pendant un délai de 3 ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation (10 ans, si le fait est qualifié de crime).
Les
anciens associés peuvent : encore
agir au nom de la société pour recouvrer une créance mais cela nécessite la
nomination d’un mandataire ad hoc.
2. Liquidation légale
a - Le liquidateur
Le
liquidateur peut être choisi parmi les associés ou les tiers même
personnes morales à condition de ne pas être déchu du droit
d’exercer les fonctions de dirigeant de société. |
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Le
nombre de liquidateurs : un ou plusieurs |
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Le
liquidateur peut être nommé : |
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Soit
par les associés (à l’amiable) |
Soit
par décision judiciaire |
mais
à des conditions de majorités spéciales .
SNC : unanimité des associés .
SCS : unanimité des commandités + majorité en capital des
commanditaires .
SARL : majorité en capital des associés .
SA : quorum et majorité de AGO .
SCA : unanimité des commandités + majorité simple des commanditaires .
SAS : unanimité des associés (sauf clause contraire) |
.
automatiquement : dans le cas
où la dissolution de la société résulte d’une décision de justice .
à la demande de tout intéressé
: dans le cas où les associés n’ont pu s’entendre (impossibilité
de nomination à l’amiable) |
Durée
du mandat : elle est
limitée par la loi à 3 ans, cependant le liquidateur peut obtenir le
renouvellement de son mandat soit par décision des associés, soit par
décision judiciaire. |
|
Révocation
: la révocation et
le remplacement du liquidateur s’opèrent suivant les formes prévues
pour sa nomination. La cour de cassation semble admettre que tout associé
peut demander en justice la révocation du liquidateur pour faute dans
l’accomplissement de sa mission. |
|
Démission
: le liquidateur
peut démissionner librement sous réserve d’une démission
intempestive ou de mauvaise foi causant un préjudice à la société
qui l’obligerait au versement de dommages et intérêts au profit de
cette dernière. Si le liquidateur a été nommé par décision
judiciaire, il peut demander à être relevé de ses fonctions. |
b - Le rôle du liquidateur
Accomplissement des différentes formalités de publicité consécutives à sa nomination ; inventaire des éléments de l’actif et du passif social ; convocation de l’Assemblée générale des associés dans les 6 mois de sa nomination ; établissement de comptes et d’un rapport écrit dans les 3 mois suivant la clôture de chaque exercice, puis présentation de ceux-ci à l’Assemblée générale des associés dans les 6 mois ; recouvrement des créances sociales ; réalisation de l’actif social (l’art. 412 loi du 24 juillet 1966 précise : « le liquidateur représente la société, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l’actif, même à l’amiable, les restrictions à ces pouvoirs résultant des statuts ou de l’acte de nomination ne sont pas opposables aux tiers ») ; paiement des créanciers sociaux ; agir en justice au nom de la société.
Le
montant des honoraires perçus par le liquidateur est fixé par les associés ou
le tribunal selon les cas. Il est responsable tant civilement que pénalement
des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission.
Responsabilité du liquidateur
Civile |
Pénale |
Fiscale |
Pour faute commise dans l’exercice de ses fonctions. |
Pour abus de crédit ou de biens de la société en liquidation. Pour cession d’actif à certaines personnes. |
Pour partage entre les associés sans paiement des impôts directs dus par la société. |
Art.
400 L. 66 |
Art.
488 L. 66 |
Art. 265 Livre des procédures fiscales |
Art.
400 L. 66 : Le liquidateur est responsable vis-à-vis de la société et des
tiers des conséquences dommageables des fautes commises dans l’exercice de
ses fonctions.
Art.
488 L. 66 : sanction pénale = emprisonnement jusqu’à cinq et/ou amende de 60
000 F.
c - Clôture de la liquidation
Quand les opérations de liquidation sont achevées le liquidateur doit :
- convoquer une assemblée générale de clôture : pour statuer sur le compte définitif, sur le quitus de la gestion du liquidateur et la décharge de son mandat et pour constater la clôture de la liquidation.
- procéder à la publicité
de la clôture : le liquidateur demande la radiation au RCS dans un délai
d’un mois à compter de la publication de la clôture. Insertion dans un JAL.
Inscription au BODACC dans les 8 jours. La clôture doit intervenir dans les 3
ans à compter de la dissolution.
3. La liquidation conventionnelle
Le législateur de 1966 s’est borné à conférer un caractère impératif à certaines règles auxquelles il n’est donc pas possible de déroger. Il s’agit :
- des interdictions d’exercer les fonctions de liquidateur,
- de la publicité de la nomination du liquidateur,
- des règles relatives aux cessions ou apports d’actifs,
- des règles relatives à la responsabilité civile et pénale de liquidateurs,
- de l’obligation de convoquer une Assemblée générale de clôture,
-
des formalités de publicité de la clôture.
B - Le partage
1. Le remboursement du capital
S’il
existe des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, leur
remboursement s’effectue avant celui des actions ordinaires. Les associés ont
la possibilité de reprendre leurs apports.
a - L’attribution conventionnelle
Les
associés conviennent dans les statuts ou ultérieurement que divers biens
seront attribués à certains d’entre eux, Ils doivent obéir à la réglementation
applicable en matière d’obligation de garantie notamment.
b - La reprise des apports
. Cas d’un actif net permettant la reprise intégrale des apports : l’apporteur d’un bien en nature peut demander à reprendre en nature le bien qu’il a apporté s’il subsiste encore dans les biens à partager, cependant, que les associés n’aient pas opté pour l’attribution conventionnelle.
. Cas d’un actif insuffisant à la reprise intégrale des apports : les associés doivent régler entre eux la contribution aux pertes. Leurs reprises sont réduites à hauteur de leur contribution.
.
Cas d’absence d’actif net : selon l’article 401 de la loi de 1966, les créanciers
ont une action contre les associés pendant une durée de 5 ans. Cette
prescription n’offre d’intérêt que s’agissant d’associés tenus indéfiniment
du passif social à savoir, les associés en nom collectif et les commandités.
2. Le partage du boni de liquidation
Lorsque l’actif net est supérieur au capital, les surplus constituent le boni de liquidation ou « super-actif ». Il est partagé entre les associés en proportion de leurs apports à moins que les statuts en aient disposé autrement.